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Le processus de prise de décision : une vue d'ensemble - Partie 5. Sciences cognitives et durabilité

Sabrine Hamroun
Publié le
4/3/2024
Découvrez la partie 5 de la série d'articles sur les sciences cognitives.

Le changement climatique est désormais indéniable et affecte régulièrement le monde entier. Selon la Nasa, le mois de juillet dernier a été le plus chaud jamais enregistré depuis 1880, et la World Weather Attribution a confirmé une fois de plus que l'intervention humaine rend les phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents. Nos actions sont-elles à la hauteur de la gravité de la situation ? Tout simplement non. Mais pourquoi nous efforçons-nous de réagir de manière appropriée face à cette urgence qui ne cesse de s'aggraver ? La réponse se trouve peut-être dans les sciences cognitives.

En effet, les experts ont observé un décalage entre le comportement "vert" intentionnel et le comportement réel. 

Nous pouvons être conscients de l'urgence et de l'importance de la crise climatique, mais nos efforts pour y remédier peuvent rester faibles. Il est peut-être encore plus frappant de constater que les gens peuvent encore "nuire à l'environnement bien qu'ils essaient de le traiter correctement", comme l'explique cet article. Mais d'où vient cette divergence ? Dans la section suivante, nous présenterons quelques préjugés cognitifs courants ayant un impact sur le comportement écologique. Ensuite, nous examinerons quelques astuces basées sur les sciences du comportement qui pourraient améliorer le comportement durable.

I- Quels sont les préjugés qui peuvent freiner un comportement durable ?

1- The negative footprint illusion: when A+B<A

Lorsqu'il s'agit d'estimer notre empreinte carbone, nous avons tendance à faire des approximations rapides : nous nous souvenons de nos actions passées et estimons grossièrement leur impact en termes d'émissions de CO2, nous les comparons en les classant en fonction de leurs fortes émissions ou de leurs faibles émissions de carbone et, surtout, nous avons tendance à penser que nos comportements à faibles émissions compensent nos comportements à fortes émissions. En d'autres termes, nous avons tendance à faire la moyenne de nos émissions. Cette estimation heuristique est erronée, car chacune des actions comptabilisées contribue au réchauffement de la planète, et il convient donc de les additionner plutôt que d'en faire la moyenne

Dans le cadre d'une série d'expériences, les chercheurs ont demandé aux participants (dont beaucoup sont diplômés dans des domaines liés à l'énergie) d'estimer le nombre d'arbres qu'il faudrait planter pour compenser les émissions de CO2 dues à la construction d'un bâtiment :

A- 150 bâtiments 

B- 200 bâtiments : les mêmes 150 bâtiments que dans l'option A) plus 50 bâtiments économes en énergie

Curieusement (ou non), les participants ont indiqué à tort qu'il fallait moins d'arbres pour compenser le second cas que le premier. Ils ont peut-être pensé qu'en ajoutant des bâtiments économes en énergie à des bâtiments ordinaires, l'impact global serait réduit alors qu'il était en fait accru.

Cette fausse moyenne peut également être observée dans notre comportement quotidien. Nous pourrions croire que partir en vacances en train après un autre voyage en avion compenserait notre empreinte alors qu'elle augmente en réalité (certainement moins que de reprendre l'avion, mais tout de même...).

2- La résistance au changement 

Les êtres humains ont tendance à résister au changement (à différents niveaux), en particulier lorsqu'il ne répond pas à leurs besoins immédiats, quelle que soit la gravité de la situation - y compris les émissions de CO2. 

Ces dernières années, la ville de Rome a connu des niveaux de pollution critiques, menaçant la santé de ses habitants et exposant ses monuments à un risque élevé de détérioration. L'un des principaux facteurs de cette pollution est l'utilisation de voitures diesel. Les autorités ont tenté plusieurs politiques pour limiter leur circulation dans la ville, mais les habitants ont généralement trouvé un moyen de contourner ces mesures. Une politique a limité la circulation de ces voitures en fonction de leur numéro : les voitures impaires étaient autorisées aux dates impaires, et les voitures paires aux dates paires. Pourtant, au lieu de suivre cette nouvelle règle, "de nombreuses familles ont réagi en achetant une deuxième voiture qu'elles pourraient utiliser en alternance", comme le rapporte The Decision Lab, l'entreprise qui a aidé Rome à gérer ce cas d'utilisation.

3- Les gens privilégient les récompenses immédiates aux récompenses à long terme

Lorsqu'il s'agit de faire des choix, le temps joue un rôle crucial. La littérature a montré que les gens ont tendance à préférer les récompenses immédiates aux récompenses différées. Ils peuvent sous-estimer une récompense s'ils ne l'obtiennent pas immédiatement et même préférer une récompense plus petite mais immédiate à une récompense plus grande mais différée. Ce comportement est connu sous le nom d'actualisation de la récompense différée, identifiée comme étant liée à l'impulsivité et à la dépendance. 

Les experts affirment que cette spécificité des décisions affecte les décisions écologiques. L'impact de nos choix sur la réduction du changement climatique peut être perçu comme un effet à long terme et, par conséquent, les gens pourraient ne pas être disposés à déployer des efforts importants pour un impact aussi tardif. 

Toutefois, étant donné que des événements catastrophiques liés au changement climatique se produisent depuis quelques années, on peut se demander si de tels arguments peuvent rester d'actualité.

4- L'effet Halo

Les consommateurs sont de plus en plus responsables dans leurs achats. Le prix et la qualité ne sont plus les seuls critères de sélection des produits. D'autres aspects sont pris en compte : si un article est produit de manière éthique, saine, biologique, écologique, pour n'en citer que quelques-uns. Les consommateurs peuvent confondre ces termes. Plus précisément, nous pensons parfois à tort que les bonnes notes d'un produit dans une catégorie s'étendent automatiquement à une autre. Par exemple, nous pouvons penser que ce qui est bon pour notre santé l'est aussi pour notre planète. Cette confusion est connue sous le nom d'effet Halo.

Manger un avocat au brunch apporte à l'organisme des graisses plus saines que des frites, et opter pour le bio, c'est encore mieux. Cependant, la production d'avocats est gourmande en eau et devient un défi dans le contexte du réchauffement climatique, car les ressources en eau doivent être gérées avec précision. De plus, l'avocat que vous avez mangé a probablement été importé d'un pays lointain et a donc produit plus d'émissions de carbone que des frites fabriquées avec des pommes de terre locales. Une telle confusion entre les attributs d'un produit peut conduire à des décisions involontairement néfastes pour la planète.

II- Comment améliorer les comportements durables

Plusieurs experts ont travaillé sur la manière d'améliorer les comportements durables, en se concentrant sur l'application des connaissances comportementales qui sont cruciales à cette fin. L'orientation des comportements individuels ou collectifs vers la durabilité peut être une question de communication subtile et de formulation des demandes. 

1- Techniques d'évitement des pertes

En tant que décideurs, nous avons plus peur de perdre quelque chose que nous possédons déjà que de nous réjouir de gagner quelque chose de nouveau. Cette disproportion dans l'impact des gains et des pertes sur le choix est connue sous le nom d'aversion aux pertes, qui est largement étudiée dans la littérature des sciences cognitives et constitue l'un des principaux aspects de la théorie des perspectives. 

Afin de réduire l'utilisation des gobelets jetables dans les cafés, des chercheurs ont mené une série d'expériences dans plusieurs établissements. Dans certains d'entre eux, une réduction était offerte aux clients qui achetaient un gobelet réutilisable. Dans d'autres, les clients devaient payer un supplément lorsqu'ils achetaient du café dans un gobelet jetable. Et comme la théorie l'avait prédit, les gens ont utilisé plus souvent des gobelets réutilisables dans la deuxième série, l'aversion à la perte s'avérant être un outil efficace pour encourager les comportements plus respectueux de l'environnement. 

2- Biais par défaut

La définition d'une option par défaut est un outil puissant pour promouvoir une option spécifique dans un contexte de choix. Lorsque nous faisons un choix, nous avons généralement tendance à faire peu d'efforts pour choisir une autre alternative : c'est le biais par défaut

Et si ce biais par défaut était utilisé comme un outil efficace pour encourager les comportements durables ? Après tout, cela a fonctionné dans d'autres cas : par exemple, les pays où les citoyens sont donneurs d'organes par défaut ont des taux de don plus élevés que ceux où les citoyens doivent s'engager à faire un don d'organes.

Pour promouvoir un comportement durable, de petites politiques par défaut peuvent être mises en œuvre : régler les paramètres des imprimantes sur "recto-verso" par défaut au lieu de recto, servir des aliments durables sur le lieu de travail, ne pas donner de reçus de paiement à moins que le client ne le demande, et bien d'autres idées énumérées ici

Enfin, il convient de noter que l'utilisation des biais cognitifs comme solution unique pour améliorer les comportements durables (parce qu'elle a fonctionné dans d'autres situations) n'est pas suffisante. L'adoption d'un comportement durable implique une prise en compte plus approfondie du contexte et des populations ciblées afin d'éviter de "projeter" des politiques qui ne leur conviennent pas.

Pour en savoir plus sur les projets concrets de sciences comportementales dans le domaine du développement durable, lisez ce rapport de l'OCDE.

Restez à l'écoute pour le dernier article sur les sciences cognitives de cette série !

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